Ex Machina : où commence la conscience et les droits qui vont avec ? [chronique film]

Ex Machina, film de SF sur l'intelligence artificielleA partir de quand peut-on considérer une intelligence artificielle comme aussi consciente qu’un humain ? Avec quel test s’en assurer ? Nous-mêmes, réussirions-nous ce test si nous devions prouver que nous sommes conscients ?

Et en supposant qu’une machine valide ce test, quel(s) droit(s) sa conscience lui ouvrirait-elle ? Mener sa vie de manière autonome en faisant ses propres choix… Refuser d’être débranchée…

Problématique épineuse que le film britannique « Ex Machina » traite de manière habile et pertinente, sans donner de réponse toute faite.

 

Je suis vraiment intrigué par les intelligences artificielles et les questions éthiques que leur développement ne va pas manquer de poser à notre société. Ce n’est pas une coïncidence : le seul autre film que j’ai chroniqué sur ce blog traite également de ce sujet. Il s’agit de « Eva » qui avait été primé aux Utopiales 2011. C’est marrant, l’IA de Ex Machina se prénomme Ava… un lien avec le mythe des origines dans le christianisme ? 😉

 

 

Le film…

« Ex Machina » entre très vite dans le vif du sujet, en prenant moins de 2 minutes pour traiter l’élément déclencheur et catapulter son protagoniste dans l’arène : un centre de recherche isolé du monde, enterré sous terre. Caleb (Domhnall Gleeson) a gagné un concours et le droit de rencontrer son patron, Nathan, un génie de l’informatique (Oscar Isaac) qui, à 13 ans, a codé un moteur de recherche que tous les internautes ou presque utilisent (suivez mon regard…). Aujourd’hui âgé d’environ 35 ans, il travaille sur un ambitieux projet d’intelligence artificielle placée dans le corps d’un robot à l’apparence de jolie jeune femme (Alicia Vikander).

La mission de Caleb va être de définir si l’IA possède une conscience, notamment au moyen du test de Turing dont le principe pourrait s’énoncer ainsi : « Si au cours d’une conversation, l’humain ne s’aperçoit pas que son interlocuteur est une machine, alors l’IA a réussi le test. »

les acteurs Alicia Vikander, Oscar Isaac et Domhnall Gleeson dans Ex Machina

 

… et les questions qu’il pose

Attention, spoiler : ce qui suit ne révèle pas la fin, mais plusieurs éléments dramatiques importants ! Savourez le film avant de lire cette partie.

J’ai trouvé que les questions auxquelles Caleb était confronté n’étaient franchement pas évidentes à résoudre (le pauvre, je compatis). Est-il moral de débrancher Ava qui a échoué au test, alors qu’elle démontre d’évidentes capacités d’humour et d’empathie ? Tellement d’empathie (dans le sens de capacité à comprendre ce que l’autre ressent) que ça lui permet même de manipuler Caleb…

D’ailleurs, ce test de Turing est-il vraiment pertinent pour évaluer la conscience… ? Et à partir du moment où une technologie capable d’une telle prouesse est accessible, comment savoir si nous-mêmes ne sommes pas une machine à qui on a « juste » implanté des souvenirs ? (effrayant instant schizophrénique où Caleb s’entaille le bras…) Au passage, j’aime beaucoup l’analogie entre le cerveau humain et le moteur de recherche 😉

C’était aussi la première fois que je voyais mis en scène l’amour d’un humain pour une IA (même si j’avais déjà vu l’amour pour un humain dont on a sauvegardé l’esprit dans une machine, comme dans Transcendance). « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas » , répondront certains. Il faut dire que Nathan a mis les moyens nécessaires pour provoquer ce sentiment chez Caleb… Mais peut-on croire cela possible ? Personnellement, j’en doute, mais cela pose la question des fondements de l’amour : qu’est-ce qui fait qu’on tombe amoureux ? A quel(s) niveau(x) ça se joue ? Si l’absence de corps n’est pas un obstacle (donc pas de phéromones ni de compatibilité génétique perçues inconsciemment, thèses chères à certains), alors pourquoi ne pourrait-on pas aussi tomber amoureux d’un extra-terrestre ? … perplexité …

 

Bref, le film nous invite à nous mettre à la place de Caleb et à ressentir toute l’ambiguïté de sa situation et de ses sentiments. En posant la question de la définition de la conscience, de ses limites (au sens de frontière) et donc des entités que l’on peut inclure dans ce champ, cette histoire soulève un épineux débat éthique auquel notre civilisation sera inévitablement confrontée… Une version moderne et remastérisée de la controverse de Valladolid 😉

Et comment ne pas être tenté d’étendre cette question des droits de l’être conscient à nos animaux d’élevage, qui vivent parfois souvent dans des conditions proches de celles des camps d’extermination de la Seconde Guerre mondiale ?

 

De la science-fiction intelligente comme on aimerait en voir plus souvent au cinéma !

D’ailleurs, l’acteur Domhnall Gleeson a aussi joué dans un autre film britannique de SF : « Il était temps » . Sans artifice ni effets spéciaux spectaculaires, plutôt traitée sous la forme d’une comédie dramatique, cette histoire pose son lot de questions sur le sens de la vie et du bonheur, à travers la manipulation du passé 😉 A voir !

2 réflexions au sujet de “Ex Machina : où commence la conscience et les droits qui vont avec ? [chronique film]”

  1. Bonjour,
    J’ai vu ce film. En effet pas de grands effets spéciaux ni de scènes vraiment spectaculaires.
    La fin m’a laissé sur ma faim. Un peu comme si on préparait une… suite. J’ai aussi vu deux ou trois
    autres films du même genre, dont un russe avec une créature à yeux multiple qui s’échappe d’un
    complexe secret à la fin. Je ne me souviens plus du titre… OUPS !
    Le look façon terroriste du génie de l’informatique (un dingue stéréotypé…) m’a bien fait marrer !
    Enfin et pour être honnête, je me pose rarement autant de questions sur un film.
    C’est quoi cette manie de chercher des raisons à tout, de forcément ajouter du cérébrale au plaisir ?
    Ce qui est sur pour moi, c’est qu’ Ava n’a aucun sentiment, du moins pour Caleb. Elle l’abandonne
    sans état d’âme… en fin de compte elle n’est pas humaine (bien logiquement.).

    Répondre
    • Bonjour Didier,
      En effet, elle n’a pas de sentiment pour lui, ce qui dénote un manque de compassion (que je relie à l’amour au sens large, amour de son prochain, différent pour moi de l’empathie pour laquelle Ava a manifestement des compétences). Et c’est vrai que la fin m’a fait me dire : « et ensuite, que va-t-il se passer pour Ava dans la société humaine ? »
      Concernant les questions que je soulève ici, elles sont venues après coup et je pense qu’en plus du plaisir procuré pendant la séance, un film de SF (ou un livre) peut avoir pour qualité de nous faire réfléchir sur notre société et son devenir. Ça peut être le cas aussi d’autres genres, mais celui-ci s’y prête particulièrement bien.
      Si le titre de ce film russe te revient, n’hésite pas à le signaler ici 😉
      A bientôt,
      Jérémie

      Répondre

Laisser un commentaire