Les 3 pitches, outils méconnus pour commencer un roman

pitch pour écrire un scénarioOutils essentiels pour définir son projet de roman avant de se lancer. Bien sûr, il est possible de les rédiger après coup, mais ils sont comme un cap à suivre au cours de l’écriture. Ils servent aussi de repères pour évaluer la qualité d’un récit et d’arguments pour le vendre à un éditeur ou à un producteur.

Dans son livre « Construire un Récit » , Yves Lavandier définit 3 types de pitch. Je vous les présente ici, illustrés d’exemples personnels sur mes romans en cours.

Ces 3 pitches peuvent nous aider à mieux savoir où l’on va, à cibler son idée directrice pour éviter de se disperser. Ils peuvent influencer toute l’écriture d’un roman, dès la conception des bases : le protagoniste, ses faiblesses et son éventuelle transformation, l’objectif et les obstacles, le débat moral et la révélation finale si chers à John Truby, les dialogues…

De plus, ces pitches sont un reflet de la qualité d’un récit, de l’intérêt et de la clarté d’une idée : ce qui se pense bien s’énonce bien. Idéalement, ils permettent de sentir le potentiel d’une histoire.

Ils offrent également la possibilité de vendre efficacement son travail à un éditeur, à un producteur ou divers partenaires, notamment avec le tagline pitch. Yves Lavandier raconte qu’Anthony Yerkovich, le scénariste de « Deux flics à Miami » , aurait convaincu son producteur en griffonnant « MTV cops » sur une nappe de restaurant (c’est un tagline pitch).

J’en profite pour signaler une interview intéressante d’Yves Lavandier à propos de ses livres, sur le site Le Clown et l’Enfant.

alien le huitième passager tagline pitch1. Le Tagline pitch

Il s’agit d’un résumé d’ambiance du récit. C’est la phrase qu’on peut écrire sur l’affiche du film, en-dessous du titre. Son but n’est pas de présenter l’intrigue, mais de surprendre, de créer de la curiosité chez un décideur et chez le spectateur.

Par exemple, dans « Alien, le 8e passager » , c’est « Dans l’espace, personne ne vous entend crier. »

Cliquer sur l’affiche pour agrandir et lire le tagline pitch en bas, en anglais.

2. Le Pitch dramatique

C’est un résumé du récit en une phrase, parfois en 2, appelé aussi One-line pitch. Elle doit contenir au minimum le trio protagoniste-objectif-obstacle, avec les éléments saillants de la caractérisation du protagoniste. L’arène (lieu et époque) où se déroule l’histoire et l’incident déclencheur peuvent être mentionnés. Ce pitch est le plus souvent de la forme : « Dans telle arène, suite à tel incident déclencheur, tel protagoniste se bat contre tel(s) obstacle(s) pour atteindre tel objectif. » Toutefois, il ne doit pas livrer la fin pour maintenir intact le cocktail espoir/crainte. Le pitch dramatique s’apparente au résumé de 4e de couverture, mais il reste plus concis.

Par exemple, dans « Alien » , ça pourrait être : « Suite à l’introduction d’un dangereux prédateur extra-terrestre sur leur vaisseau spatial, une officier et son équipage se battent pour survivre et l’empêcher d’atteindre la Terre. » On pourrait rajouter comme obstacle l’Intelligence Artificielle du vaisseau (Maman), mais ce n’est pas l’obstacle principal.

  • Protagoniste = l’officier Ripley (caractérisation : femme + autorité)
  • Incident déclencheur = l’introduction de l’alien
  • Objectif principal = survivre
  • Objectif secondaire = sauver la Terre
  • Obstacle = le prédateur alien
  • Arène = le vaisseau spatial (dans le futur)

3. Le Pitch trajectoriel

C’est un résumé de la trajectoire psychologique du personnage ou des personnages qui changent ou apprennent quelque chose (si cela existe dans l’histoire). Ça peut être le protagoniste, l’un des co-protagoniste ou un personnage secondaire (eh oui, ce n’est pas toujours le protagoniste qui évolue). Ce personnage passe d’un trait de caractérisation à l’état inverse (souvent d’un défaut à une prise de conscience). Ce pitch est le plus souvent de la forme : « Face à tel conflit, un personnage ayant tel trait de caractérisation apprend à acquérir tel trait de caractérisation inverse. »

Dans « Alien » , Ripley n’évolue pas, ni aucun autre personnage. C’est essentiellement un film d’action et de suspense, il n’y a pas cet aspect transformation psychologique (les 2 sont compatibles).

Dans les comédies, il y a souvent une évolution pour au moins l’un des personnages. Dans « Le Dîner de Cons » par exemple, Brochant (Thierry Lhermitte) est le protagoniste (= celui qui vit le plus de conflit), mais c’est Pignon (Jacques Villeret) qui vit la plus belle prise de conscience. « Face aux moqueries d’un homme sans scrupule, un gaffeur simple d’esprit apprend à faire preuve de plus de lucidité. » Brochant ne change pas vraiment, même s’il regrette de s’être payé la tête de Pignon.

Autre exemple avec le film « The Imitation Game »

Un excellent film… Je vous le recommande si vous ne l’avez pas vu. J’en parle un peu sur la page Facebook dédiée à ce blog.

pitch dramatique et pitch trajectoriel de the imitation gameTagline pitch : Behind every code is an enigma (english). Trouvez le code, gagnez la guerre (français 1). Vous ne connaissez pas cet homme. Pourtant, il a changé nos vies (français 2).
Pitch dramatique : En Angleterre, dans le but de gagner la 2nde Guerre mondiale, un mathématicien, génial mais handicapé social, cherche avec une équipe de spécialistes à percer le code Enigma qui crypte de manière infaillible les communications nazies.
Pitch trajectoriel : Face à l’urgence de percer un code nazi pour gagner la 2nde Guerre mondiale, un mathématicien, génial mais handicapé social, apprend à s’ouvrir aux membres de son équipe au cours de leurs années de travail.

2 exemples issus de mes romans en cours

#1 : La Balade du Détecteur

Tagline pitch : un doigt dans les rouages du temps, et vous ne reconnaîtrez plus votre présent !
Pitch dramatique : un jeune historien craintif voyage accidentellement dans le passé où il rencontre son double qui a modifié l’Histoire. Il lutte pour rétablir la version du présent qu’il connaît et pouvoir rentrer chez lui.
Pitch trajectoriel : un jeune historien craintif et passif apprend à prendre en main son destin, face aux conséquences d’un voyage dans le temps.

une_cite_sous_influences_novella_science-fiction_288x180#2 : Une Cité sous Influences

Tagline pitch : Terriens, quittez SolOrb Prime ou il vous tuera…
Pitch dramatique : le Tueur de Terriens commet un 3e meurtre sur la cité spatiale SolOrb Prime. En l’absence de piste, un inspecteur martien contestataire joue avec les limites de la légalité pour arrêter le criminel avant qu’il ne déclenche un incident diplomatique avec la Terre.
Pitch trajectoriel : après avoir fui son exécrable ex-femme, un inspecteur comprend à cause des risques de son métier qu’il doit retourner vivre auprès de sa fille pour la placer au centre de sa vie.

Et vous, comment formuleriez-vous les pitches de vos livres, qu’ils soient en projet ou déjà publiés ? Et accessoirement, que pensez-vous de mes pitches ? Donnent-ils envie ? 🙂

12 réflexions au sujet de “Les 3 pitches, outils méconnus pour commencer un roman”

  1. Un très intéressant article. Je suis également en plein retravail de la façon dont je présente mes textes de façon synthétique. Plutôt en vue d’envoi à des blogs de chroniques qu’à des éditeurs mais l’idée est la même.
    Tes pitchs me semblent sonner juste, en tout cas!

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    • Bonjour Pascal,
      Merci pour ton commentaire sur l’article et sur mes pitches. Je n’avais effectivement pas pensé à l’utilisation du pitch pour démarcher des blogs en vue d’obtenir une chronique, bonne idée ! Le pitch dramatique semble le plus indiqué pour ça. Bon succès à toi dans cette entreprise 😉
      A bientôt,
      Jérémie

      PS : si tu veux un avis sur tes pitches, tu sais où me trouver.

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  2. A vrai dire, je suis en train de mettre en place une sorte de plaquette « commerciale » à destination des blogs. J’ai trouvé un site qui semble intéressant de ce point de vue. Il s’agit de wobook.

    je crois bien qu’il y en a un autre, dont j’avais vu des exemples sur le blog « Nouveau monde » (http://notre-nouveau-monde.blogspot.fr/) tenu par Aramis Mousquetayre. Un blog très vivant et dynamique, qui organise régulièrement des tournois de nouvellistes et, depuis peu, des tournois d’illustrateurs.

    Enfin bref. Sur wobook, la présentation de mes publications, ça donne ça (j’espère que tu pourras y accéder):
    http://library.wobook.com/?type=ply&wokey=WBdQ29v6g96o&osid=WBWBdQ29v6Hd0827ee349387f54c57574b1f6cb3f7d

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    • Merci pour ces infos, Pascal. Hélas non, je ne peux pas accéder directement à ta présentation car je dois me créer un compte. J’ai essayé de regarder un autre wobook (pas le tien car pas de moteur de recherche), mais ça m’affiche seulement des pages noires… Peut-être un souci avec mon navigateur ?
      Le principe est bien, mais est-ce très différent d’un pdf qu’on héberge sur son propre site, non ? L’url est partageable de la même façon, il y a juste une facilité pour le partage direct via les réseaux sociaux et la mise dans sa bibliothèque wobook ?

      Je connaissais Aramis via CoCyclics (je connaissais aussi le tournoi des novellistes), merci du lien vers son blog, je vais aller voir.
      Bon week-end à toi,
      Jérémie

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      • Coucou,
        Oui, cela fonctionne beaucoup mieux 😉 J’ai pu lire ta présentation, elle est sympa. Et effectivement, ça donne l’impression de feuilleter un livre, je comprends mieux l’intérêt !

  3. J’adore ton article, Jérémie !
    C’est un de mes préférés.
    C’est marrant comme tout se retrouve : dans la formation en écriture pro de Fred Godefroy, que je suis actuellement, nous parlons de tout ce que vous dites, toi et Yves Lavandier. Ce sont juste d’autres termes, la plupart du temps.
    Par exemple l’incident déclencheur, nous l’appelons l’élément déclencheur. Nous parlons aussi de protagoniste.
    Nous apprenons aussi à construire un « pitch », très important en effet. Pour cadrer notre futur roman, c’est un outil génial !
    En revanche, je découvre le tagline pitch, et ça semble une super exercice de synthèse à faire sur nos propres écrits !

    Tes pitches me donnent envie de découvrir tes romans !!

    Si je travaille sur le pitch de mon roman en cours, cela pourrait donner ceci (à travailler encore) : « Une histoire d’amour interdite entre deux jeunes hommes à Jérusalem, l’un palestinien et l’autre israélien. Ils devront faire face à leur famille et aux préjugés, mais pourront-ils aller jusqu’au bout de leur passion, traverser les périodes d’attentats, tout en épargnant ceux qu’ils aiment ? »

    Je m’essaie là en direct sur un tagline pitch, qui serait : « Seriez-vous prêt à aller au bout de votre passion en sachant qu’elle pourrait vous tuer ? » (Il m’a fallu y réfléchir plusieurs minutes, pas évident ! Ce n’est qu’une première idée)

    Merci de m’avoir fait connaître le film The Imitation Game, j’adore son sujet ! Et en plus j’aime l’acteur que je connais depuis son rôle dans la série « Sherlock » 😉

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    • Salut Marjorie !
      Merci pour ton commentaire enthousiaste 🙂 et content pour toi que ta formation soit intéressante ! Beaucoup de points communs, ça ne m’étonne pas, il y a forcément certaines constantes pour créer un récit. Lavandier dit que la notion de conflit est centrale, sans conflit il n’y a pas d’intérêt au récit.
      Ton pitch éveille immédiatement la curiosité, on comprend bien où se situe le conflit… Par contre, je trouve que l’expression « pourront-ils aller jusqu’au bout de leur passion » est imprécise, je ne me représente pas concrètement cet objectif : vivre en couple ouvertement ? vivre cachés ? quitter le pays ?
      Pour le tagline pitch, tu as une excellente accroche avec l’idée de la mort, mais ça pourrait peut-être gagner en force en étant plus court. Peut-être en le formulant avec cette amorce : « Jusqu’où iriez-vous pour… » ou alors en supprimant complètement la question pour ne garder qu’une phrase nominale ?
      Tu as dû beaucoup te documenter sur Israël et la Palestine, ou alors tu avais déjà des connaissances ?
      Je suis sûr qu’Imitation Game te plaira si tu le vois !
      A bientôt,
      Jérémie

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      • Ravie que mon pitch éveille ta curiosité. Je l’ai testé aussi dans mon groupe d’autres étudiants de la formation écriture, et c’est pareil.

        Pour te reprendre : « Par contre, je trouve que l’expression « pourront-ils aller jusqu’au bout de leur passion » est imprécise, je ne me représente pas concrètement cet objectif : vivre en couple ouvertement ? vivre cachés ? quitter le pays ? » : je te remercie de ta remarque. C’est vrai, je n’y avais pas pensé et devrai retravailler en ce sens. Il s’agit en effet de : vivre en couple ouvertement, dans leur ville sainte. Quitte à quitter le pays pour pouvoir le faire.

        Merci de ta proposition pour mon tagline pitch. Je garde ta proposition : « Jusqu’où iriez-vous pour votre passion ? »
        C’est mieux ?

        Oui je continue de beaucoup de documenter sur la vie à Jérusalem, pas forcément évident, même avec internet et ses nombreuses sources, car parfois je cherche des choses très précises qui n’y sont pas forcément. Par exemple, comment se passe une journée dans une école militaire, ou alors quels sont les parcs de la ville, ou de Tel Aviv. Mais j’ai trouvé des sources sympas, notamment un ou deux blogs vraiment instructifs de Français établis là-bas 😉
        Certains films aussi peuvent m’aider, il y en a des dizaines sur Jérusalem, ça peut toujours inspirer et donner une ambiance… (Notamment le célèbre « Les citronniers » par Eran Riklis)

      • Merci pour la précision sur leur objectif.
        Quant à ton tagline pitch, il est plus percutant ainsi !
        Pour la documentation sur Jérusalem, rien de mieux qu’un petit voyage sur place 😉 Tu as la chance de pouvoir le faire : moi, avec « La Balade du Détecteur », impossible d’aller en 1807 ou en 2073… *snif*

  4. Jérémie ! eh eh en effet, j’ai d’ailleurs prévu d’y aller, mais je ne sais pas encore quand.

    Un de mes plus grands rêves depuis que je suis petite : que les voyages dans le temps puissent vraiment exister (avec leurs cortèges de problèmes possibles, évidemment) !
    J’ai regardé ce matin le film « The imitation game », j’ai adoré ! Merci de me l’avoir fait connaître, et je suis sidérée de cette histoire, et de voir que je n’avais jamais entendu parler de ces histoires de codes et d’Enigma. Je crois que comme une majorité de gens, je suis passionnée par les codes…
    Du coup, je m’instruis sur ce sujet.

    Et pour rester sur les mystères et trucs cachés, as-tu entendu parler de l’énigme des arêtes de poisson, un réseau de tunnels à Lyon ? Un réseau (fermé au public pour l’instant en tout cas) dont on ignore le but et à notre connaissance unique au monde. Je vais acheter le livre qui en parle, écrit par un passionné, Walid Nazim…

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